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Le noyer de Jefferson au Château Carbonnieux
Au printemps 1787, Thomas Jefferson, alors Ambassadeur des Etats-Unis en France fait un voyage de trois mois dans le sud et l’ouest de la France et en Italie du nord.
Bordeaux où il séjourne du 24 au 28 mai 1787, est une étape particulièrement importante. Il visite les plus prestigieux châteaux du Médoc et des Graves, parmi lesquels le Château Carbonnieux, alors propriété des moines bénédictins de Sainte-Croix. Dans le parc du château, se trouve aujourd’hui un noyer de pécan, un pacanier de plus de 30 mètres de haut et 4,50 mètres de circonférence : un monument historique. On lui attribue un âge correspondant à la visite de Thomas Jefferson, 235 ans.
Cet arbre a toujours été connu des propriétaires du château comme « Le noyer de Jefferson ». Même si ses dimensions attestent de son grand âge, le sujet méritait une recherche dans les papiers de Jefferson car les archives du château ont disparu. A la Révolution Française, le domaine a été saisi comme bien national et revendu en 1791 ; il a ensuite connu plusieurs propriétaires.
A la demande de Jane Manaster, auteur d’une étude générale sur le pacanier, « PECANS », publiée en 1994 et réimprimée par Texas Tech University Press en 2008, Juliegh Muirhead Clark, bibliothécaire à la Colonial Williamsburg Foundation, a mené une recherche exhaustive sur toute la période du séjour de Thomas Jefferson en France, du printemps 1784 à l’automne 1789, pour tenter d’établir un lien avec le pacanier du Château Carbonnieux.
Le journal de voyage de Thomas Jefferson est exclusivement consacré à ses observations sur l’économie agricole et tout particulièrement la viticulture et le vin dont il était grand amateur.
En revanche, sa correspondance des années 1785 à 1787 contient des lettres adressées à plusieurs de ses amis, notamment à James Madison qui sera Président à sa suite en 1808, pour demander qu’on lui envoie des lots de 100 à 200 ou 300 noix de pécan « aussi fraiches que possible, dans des caisses avec du sable ».
Thomas Jefferson, disciple de la doctrine agrarienne, agronome lui-même, était en contact avec des botanistes dont l’histoire a gardé le nom, Buffon, Duhamel du Monceau et aussi Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, homme d’Etat qui apporta son soutien à la publication de l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert et mourut sur l’échafaud, prix de son courage dans la défense du roi Louis XVI. Il leur procurait des échantillons de la faune nord-américaine pour leurs collections et des graines, notamment chênes, érables et pacanier. Dans une lettre de mai 1786, Monsieur de Malesherbes remercie Thomas Jefferson de la fourniture d’un lot de noix de pécan, précisant que le pacanier est à ses yeux « un des arbres d’Amérique qu’il est le plus intéressant de naturaliser en Europe qu’il faudra planter dans les provinces méridionales de France et en Italie parce que ceux déjà plantés quinze ans plus tôt chez lui (à Malesherbes, près de Paris) ont supporté sans dommages des hivers extrêmement rudes, mais n’ont pas encore fructifié ».
Il serait surprenant, qu’ayant demandé des envois de noix en 1786, il n’en n’ait pas emporté dans son voyage pour acclimater l’espèce dans les régions méridionales qu’il allait visiter ainsi que l’avait suggéré Monsieur de Malesherbes
L’arbre lui-même, le pacanier du Château Carbonnieux, dans son silence majestueux peut aussi témoigner de cette paternité par ses dimensions. La comparaison avec un autre pacanier situé au Jardin Public de Bordeaux, planté après 1856, montre un taux moyen de croissance annuelle sensiblement égal pour ces deux arbres, situés dans la même région et dans des conditions assez comparables. On a recensé en France 27 pacaniers situés dans des parcs et jardins publics. Ceux de Carbonnieux et de Bordeaux sont les plus anciens et les plus grands.
La concordance des dates, la correspondance, les dimensions de l’arbre, la comparaison avec celui du jardin public de Bordeaux, tout rattache le pacanier du Château Carbonnieux à la visite de Jefferson et montre que ce n’est pas sans raison qu’il est connu sous le nom de « noyer de Jefferson »
Les admirateurs d’arbres ne devraient pas manquer lors d’un passage à Bordeaux d’aller saluer ce témoin vénérable qui offre l’occasion d’une agréable visite dans un des plus prestigieux domaines viticoles de Bordeaux.
Bordeaux le 19 mars 2013
Texte écrit par M. Bernard Dalisson Président de l’association « Les pacaniers de Jefferson »
Note de la famille Perrin / Octobre 2022:
Cet arbre debout depuis plus de 2 siècles a subi de gros dommages en septembre 2022 suite à une tempête venant du sud, il ne trône plus comme avant au dessus de la cour du château, ses branches principales sont tombées à terre, cependant son tronc immense est resté debout ainsi qu’une branche qui orne seule sa couronne aujourd’hui. Heureusement, les écureuils du domaine se chargent de replanter ses noix un peu partout, certains de ses fils sont déjà centenaires.
Afin de perpétuer la tradition et soutenir l’amitié franco-américaine, Mme Campbell Bauer, ambassadrice des États-Unis en France, tout comme Thomas Jefferson à son époque, est venue planter un nouveau pacanier le 28 avril 2023 dans le jardin du Château Carbonnieux.
Jefferson’s pecan tree at Château Carbonnieux
In the spring of 1787, Thomas Jefferson, the American ambassador to France at the time travelled for three months around the south and the west of the country and in the north of Italy. His stay in Bordeaux from May 24 until May 28 was a particularly important part of the trip.
He visited the most prestigious Châteaux in the Médoc and Graves regions including Château Carbonnieux at the time owned by the Sainte-Croix Benedictine monks.
Today in the Château park there stands a pecan tree over 30 metres high and with a circumference of 4.50 metres ; an historic monument. Its age, 225 years is said to correspond to Thomas Jefferson’s visit.
The Château owners have always referred to this tree as Jefferson’s pecan tree.
Even if its size confirms its great age, the subject deserves to be researched in Jefferson’s papers since the Château archives have disappeared.
During the French Revolution, the domain was confiscated as state property and sold again in 1791; after this it had several different owners.
At the request of Jane Manaster, the author of a general study of the pecan tree “PECANS” published in 1994 and reprinted by Texas Tech University Press in 2008, Juliegh Muirhead Clark, a librarian at the Colonial Williamsburg Foundation conducted extensive research on the whole period of Thomas Jefferson’s stay in France from the spring of 1784 to the autumn of 1789 in an attempt to establish a link to the pecan tree at Château Carbonnieux.
Thomas Jefferson’s travel diary deals exclusively with his observations about agricultural economics particularly with viticulture and wine of which he was a great lover.
However his correspondence for the years 1785 to 1787 contains letters to several of his friends, notably to James Madison who succeeded him as President in 1808 asking to be sent from 100 to 200 or 300 batches of pecan nuts, “as fresh as possible in boxes with sand”.
Thomas Jefferson, a disciple of agrarian doctrine, and himself an agronomist was in contact with botanists whose names have gone down in history; Buffon, Duhamel du Monceau and Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, a statesman who supported the publication of Diderot and Alembert’s encyclopedia and who died on the scaffold, as a result of his courage in the defense of King Louis XVI.
Jefferson acquired samples of North American fauna for their collections and seeds, in particular, oak, maple and pecan nut. In a letter of May 1786, Monsieur de Malesherbes thanked him for supplying a batch of pecan nuts , specifying that in his opinion the pecan tree is “one of the most interesting American trees to be naturalized in Europe and should be planted in the Southern French provinces and in Italy because those that were planted 15 years earlier at his home ( in Malesherbes near Paris ) didn’t suffer any damage from the extremely harsh winters but had not yet borne fruit”.
It was surprising that having asked for the nuts to be sent in 1786, Jefferson did not take them with him on his trip , to acclimatise the species to the Southern regions that he was going to visit and as Monsieur de Malesherbes had suggested.
The tree itself, the Château Carbonnieux pecan tree, in its majestic silence also bears witness because of its size, to this paternity.
The comparison to another pecan tree in the public garden in Bordeaux, planted after 1856, shows an average rate of annual growth practically the same for both trees, planted in the same region and in comparable conditions.
27 pecan trees have been identified in parks and public gardens in France. The one at Château Carbonnieux and the one in Bordeaux are the oldest and biggest.
The consistency of the dates, the correspondence, the size of the tree, the comparison with the one in the public garden in Bordeaux all connect the Château Carbonnieux pecan tree to Jefferson’s visit and show that it is not for nothing that it is called “Jefferson’s pecan tree”.
Tree admirers should not miss the opportunity, while in Bordeaux, to go and greet this venerable witness and enjoy a visit to one of the most prestigious wine-making domains in the region.
Bordeaux March 19 2013
Original text by Professor Bernard Dalisson